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L'Orme 2011 (fin) : de l'identité numérique

Comme les Rewics qui arrivent, les Rencontres de l'Orme ont l'avantage de permettre la juxtaposition entre personnalités de divers secteurs : gérants et commerciaux, acteurs sociaux et militants, élus politiques et représentants institutionnels, chacun peut participer à cette «longue conversation».

L'un des temps forts des Rencontres 2011 restera le colloque intitulé « Gérer son identité dans les réseaux, une responsabilité à partager ? » animé par J.-L. Mure. Trois intervenants de grande qualité se sont succédés : Renaud Francou (de la FING),  Paul  Mathias (Inspecteur général de l'Éducation nationale) et Antoinette Rouvroy (de l'Université de Namur).

Renaud Francou a commencé par poser quelques grandes questions. Qu'est-ce que l'identité numérique ? Que disent de nous les données en ligne ? Si l'identité se résume aux traces qu'on laisse, ne sommes-nous pas atteints de schizophrénie numérique ? L'identité numérique ne peut être que plurielle, fragmentée. L'intime «extimé» est dans l'air du temps... Ce qu'un Mark Zuckerberg (entre autres) a bien compris, c'est que la norme sociale a changé : on veut bien s'exposer, mais on veut rester maîtres de ses données. Désormais, il faut «se projeter tout en se protégeant... Soyons stratégiques plutôt que défensifs», conclut-il.

Paul Mathias ensuite est revenu sur une question philosophique fondamentale : «Qui suis-je ?» L'identité autrefois était donnée par un récit, elle l'est désormais par un calcul. L'identité numérique s'écrit en octets : elle est indéfiniment recalculable. Internet permet de perpétuellement se relire, se remémorer qui l'on est. On se reconfigure sans cesse au contact des autres. Nous ne sommes pas seulement des usagers, mais des produits qui générons des contenus. Jamais on ne s'est autant raconté, jamais nous n'avons divulgué autant d'informations personnelles, mais ce n'est pas nous qui calculons notre identité, et nous ne savons pas ce que deviennent nos discours. En ce sens, nous savons de moins en moins ce que nous disons.

Antoinette Rouvroy enfin est revenue sur la notion de sujet. Nous sommes des «dividus», propose-t-elle, c'est-à-dire des individus dispersés. Tout est enregistré automatiquement, même ce qui n'a pas de sens, ce qui fait de nous des êtres fragmentés. La perte de contrôle de nos traces et de nos trajectoires nous éloigne de nous-mêmes. On assiste à l'essor d'une nouvelle gouvernementalité toujours plus normative qui évite la confrontation avec les sujets. Il faut pourtant relativiser l'idée qu'on perd de l'autonomie : en fait,«nous n'avons jamais été sujets». Ce qu'il faut sauvegarder, c'est la possibilité de donner du sens à nos actes, quitte à faire ressurgir l'incertitude.

Illustration : "La Rêveuse, photo d'Antoinette Rouvroy prise à Marseille.

Pour aller plus loin :

Vous retrouverez le résumé de chaque contribution ici : http://www.orme-multimedia.org/r2011/images/stories/orme2.11/pdf/intervenants/orme2.11_contributions.pdf

Renaud Francou : Site de la Fing http://fing.org/?-Presentation-

Paul Mathias : http://diktyologie.homo-numericus.net/

Antoinette Rouvroy : http://works.bepress.com/antoinette_rouvroy/ (articles) et http://knownbylight.wordpress.com (photos)

Prochain rendez-vous des Rencontres de l'Orme : 21-22 mars 2012